Tous les articles > Vie coopérative > De Yaal à Yaal Coop

De Yaal à Yaal Coop

Yaal Coop est officiellement née le 1er septembre 2020 et a accueilli ses premier·es salarié·es 2 mois plus tard, en novembre 2020. C'est la petite soeur de Yaal SAS, créée il y a bien plus longtemps, en 2010 (ce qui ne rajeunit pas ses fondateurs Arthur et Colin !).

Comme je sais que la co-existence des deux entreprises peut être source de confusion, voici ma tentative pour raconter l'aventure Yaal Coop.

Disclaimer : mon point de vue est personnel et forcément biaisé. Et pas forcément très synthétique non plus. 😗🎶

Yaal kézako ?

Yaal est une vieille entreprise d'informatique (sisi 2010 c'est forcément vieux, je n'avais même pas entamé ma première carrière professionnelle de bio-physicienne à cette époque !). Mais une entreprise qui n'a de classique que son statut juridique de SAS, car pour le reste, on dévie pas mal des standards du milieu.

Auto-organisation et auto-gouvernance sont des principes qui font partie de l'ADN de Yaal depuis toujours. Si l'entreprise a grossi, jusqu'à atteindre une trentaine de personnes en 2019, elle a eu à coeur de maintenir ces principes en effaçant la hierarchie et en proposant aux salarié·es de s'associer après un an de collaboration. Transparence des salaires et des finances permet à chacun·e, associé·e comme salarié·e, de saisir les enjeux, de se forger une opinion et d'en discuter lorsqu'il le désire.

Une autre particularité de Yaal est son modèle économique reposant sur l'investissement technique. L'ambition est grande : casser les règles habituelles du couple client/prestataire informatique en partageant les risques aussi bien techniques que financiers avec les porteur·euses de projets innovants auxquels elle s’associe. Pour se donner les moyens de ces ambitions, les associé·es touchent tous le même salaire, sensiblement plus faible que le prix du marché pour permettre à l'entreprise d'investir dans les projets, et se partagent plus tard les bénéfices en cas de succès collectif. Finalement, sur 10 ans, les revenus des associés chez Yaal sont comparables à ceux d'autres entreprises informatiques.

Car cela marche : le plus gros projet de Yaal, Myelefant, est revendu 21 millions d'euros en novembre 2019 !

Pourquoi créer Yaal Coop ?

Avec le rachat de Myelefant par Sinch, une partie de l'équipe quitte Yaal pour suivre ce projet et rejoint Sinch en mars 2020. Parmi ceux et celles qui font le choix de rester, des associé·es de Yaal de longue date mais aussi des salarié·es plus récent·es, dont je fais partie.

Embauchée à Yaal en octobre 2018, je n'ai pas eu le temps d'y devenir associée, l'opération de vente de Myelefant ayant gelé les opérations d'entrée et sortie du capital à l'été 2019. Et après le rachat, la situation financière de Yaal a évidemment pas mal changé. Il n'est d'un coup plus aussi simple de rentrer au capital de Yaal SAS dont la valorisation financière a pas mal évolué. 😅

Pour autant j'aime toujours Yaal et son modèle inspirant qui m'a séduite d'entrée ! Et je ne suis pas la seule.

Alors que certain·es profitent de ce tournant pour se lancer dans une aventure de production de bière, je commence un sacré remue-méninges avec mes collègues pour imaginer un Yaal 2.0 encore plus beau, encore plus fort, et encore plus autogestionné. 💪

Tant qu'à devoir changer de structure pour assurer à tous ses membres un même niveau d'engagement et de pouvoir décisionnel, pourquoi ne pas remettre les choses à plat et changer de statut ? En passant à celui officiel de coopérative, cela clarifie notre fonctionnement (1 personne = 1 voix) et nos valeurs (recherche d'équilibre entre toutes les parties prenantes et d'une rentabilité compatible avec cet objectif).

Qu'est-ce qui change alors dans Yaal Coop ?

Yaal Coop est une Société Coopérative d'Intéret Collectif (SCIC). Entre autre, ça veut dire que :

  • Tout·e salarié·e peut un jour devenir associé·e. Chez nous, c'est même devenu une obligation après un an de salariat, inscrite dans nos statuts. On souhaite ainsi aligner nos intérêts et nos engagements, éviter de créer un fossé entre coopérateur·rices associé·es et salarié·es. Fin 2019 à Yaal, un tiers seulement des salarié·es étaient associé·es et il nous semble nécessaire d'inverser la dynamique au sein de Yaal Coop.

  • Le processus d'entrée et sortie des associé·es au sein de la coopérative est simplifié car il est décrit dans nos statuts et détaché de la valorisation financière de l'entreprise, au contraire d'une entreprise classique. Cela assure également une lucrativité limitée puisque'aucune plus-value n’est possible lors du remboursement des parts en cas de départ.

  • Au contraire d'une SCOP (un autre statut plus connu des entreprises coopératives), le capital et le pouvoir n'est pas réservé aux seul·es salarié·es. Plusieurs collèges d'associé·es existent, dont celui des salarié·es, mais ce n'est pas le seul.

Aujourd'hui à Yaal Coop nous avons désigné 4 collèges :

  • celui des salarié·es qui dispose de 50% des voix, le maximum possible en SCIC, car il nous semble primordial que les travailleur·euses soient majoritaires pour décider des orientations de leur entreprise

  • celui des bénéficiaires (composé de clients, usagers ou fournisseurs). Collège obligatoire en SCIC, il fait toute la particularité de ce statut et concrétise la recherche de l'intérêt collectif, en intégrant les autres parties prenantes du travail réalisé au sein de l'entreprise

  • celui des investisseur·euses qui nous a permis d'accueillir Yaal SAS et de bénéficier d'un premier apport pour lancer l'activité !

  • et celui des observateur·rices et soutiens, qui vise à accueillir toute personne morale ou physique qui contribuerait par tout moyen à l'activité de Yaal Coop : professionnel·le collaborateur·rice, réseau ou organisme partenaire (acteur·rice de l'ESS, des biens communs...), bénévole, etc.

Pour créer Yaal Coop, nous nous sommes fait accompagner par Finacoop Nouvelle Aquitaine, qui est aujourd'hui notre cabinet comptable mais aussi le premier membre officiel de notre collège des bénéficiaires 💚, ainsi que par l'URSCOP.

Nous avons aussi procédé à un rachat de l'activité partielle de Yaal SAS pour basculer nos contrats de travail, et nous avons signé un contrat de licence d'exploitation de la marque Yaal pour pouvoir porter fièrement l'héritage de Yaal jusque dans notre nom. ✊

Mais concrètement au quotidien ça fonctionne comment ?

Pour l'instant la mise en oeuvre de nos principes coopératifs et d'auto-gouvernance est plutôt simplifiée : en passant de plus de 30 salarié·es à 5 coopérateur·rices salarié·es associé·es, on a naturellement beaucoup fluidifié la communication et le partage d'informations entre nous (même si la crise sanitaire ne nous a, elle, pas beaucoup aidés 😩).

Aujourd'hui on se retrouve la plupart des jours de la semaine en présentiel dans notre local pour travailler sur nos différents projets. Même lorsqu'on ne travaille pas sur la même chose au même moment, c'est d'autant plus facile de discuter des autres sujets autour d'une pause thé ou du déjeuner.

Le mardi en particulier est sanctuarisé pour pouvoir discuter et travailler sur des sujets collectifs : tout le monde se retrouve au bureau et personne ne travaille isolé en prestation. (Au contraire le mercredi est le seul jour où tout le monde télétravaille alors ne prévoyez pas de passer au local ce jour là pour boire un café !).

Lorsque tout le monde est arrivé, on commence notre weekly où l'on discute à tour de rôle des activités de la semaine passée et celle à venir en s'appuyant sur notre trello* d'équipe qu'on met à jour à ce moment là. On y met en particulier toutes les tâches de gestion, projets internes et pistes/prospects pour assurer un suivi partagé.

Avec notre instance de cloud nextcloud qui nous permet de numériser et ranger tous les documents de l'entreprise (notamment les factures, contrats, fiches de paie, etc.) et de partager des agendas (par exemple celui de nos congés/absences), c'est notre outil principal pour la gestion.

On a aussi une petite interface maison héritée de Yaal qui nous permet à tous d'avoir un oeil sur l'évolution du compte en banque, un bon gros tableau libre office à l'ancienne en guise de plan de tréso et un mini-wiki dans un simple document texte partagé pour documenter nos habitudes de gestion, qu'on étoffe au fur et à mesure (comment on commande des tickets resto ? Comment on range une facture ? Comment on fait la paie (sans risquer d'oublier la dernière étape de bien fêter la fête 🎉) ?).

Les mails et surtout la messagerie Element complètent nos outils de communication interne, en particulier les jours où nous sommes à distance et/ou asynchrones.

De manière plus macro, on a fait le choix du salaire unique et du temps plein pour les associé·es. Notre salaire est donc indépendant de notre expérience, de notre fonction et du montant que l'on facture. Et son montant est encore bas pour continuer de pouvoir investir à la manière de Yaal SAS.

On a eu pas mal de discussions riches sur le sujet, en particulier une session animée par David Bruant, extérieur à la coop, qui aime réfléchir au sujet de la rémunération juste (merci d'être venu en parler avec nous l'année dernière !). Je suis assez curieuse d'autres modèles alternatifs, comme celui de Scopyleft par exemple, où chacun se paie ce dont il a besoin après avoir pris soin d'en discuter avec tout le monde.

Mais pour l'instant le salaire unique nous convient et nous permet de démarrer simplement. On aimerait s'augmenter dès que la coopérative aura atteint un régime de croisière mais on est aussi plus dans la team "réduisons notre temps de travail" que "gagnons toujours plus", donc on verra bien...

Côté projets, on continue l'investissement technique (comme avec notre premier projet Lum1 !), mais on fait aussi un peu de bénévolat à Supercoop (le supermarché coopératif de Bordeaux) et d'autres projets internes : bientôt Nubla ☁️ ?! On fait aussi un peu de prestation plus classique vu qu'on continue notamment à travailler pour Sinch, ce qui assure une certaine stabilité financière.

Au fond on cherche encore l'équilibre qui conviendra (et qui évoluera probablement !) et on est ouvert sur les modes de collaboration possibles. Ce que l'on veut surtout c'est participer à des projets qui ont du sens et avec des personnes qui partagent nos valeurs.

Enfin côté vie coopérative élargie, et en particulier animation des autres collèges d'associé·es, on a encore un tas de chose à explorer. On a la chance de pouvoir commencer petits, avec peu d'associé·es qui nous connaissent et nous font confiance. Donc nos efforts sont pour l'instant concentrés ailleurs. Mais on a en tête que c'est une chose à laquelle on va devoir consacrer plus de temps ensuite ! Et on a hâte d'avoir les moyens de le faire.

Yaal Coop n'a même pas un an, on n'est qu'au début de l'aventure et de l'expérimentation ! 🌱

Et Yaal SAS alors ?

Je suis sans doute mal placée pour parler de Yaal SAS car je n'en fais plus partie. Son activité est aujourd'hui en sommeil, il n'y a d'ailleurs plus aucun salarié : seulement 9 associé.es dispersés entre Yaal Coop, Sinch, La Brasserie du Sabot et d'autres projets personnels. Dispersés mais pas bien loin, alors rendez-vous à la prochaine bière ! 🍻

*Oui Trello. L'outil détonne au milieu des autres outils libres qu'on utilise et dont on est plus friand. Mais pour l'instant on n'a pas trouvé d'alternative cool et aussi pratique pour la gestion de projet donc on fait avec 🙂 (vous utilisez quoi vous ?)